Notre-Dame-des-Landes : déjà 66 000 victimes !

Publié par lalettrealulu le

Minutes de silence

Prétextant une allergie aux décibels des aéronefs, des riverains de Notre-Dame-des-Landes dérangent les plans du futur aéroport. Vivement le bruit des zingues pour faire taire ces futurs sourdingues.

Après Château-Bougon, le projet de Notre-Dame-des-Landes, NDL pour les intimes, n’est pas encore baptisé Château-Grognon mais ça ne saurait tarder, quand les proprios des belles propriétés de Sucé-sur-Erdre vont réaliser que les avions doivent survoler leurs garden-parties à en faire vibrer les boucles d’oreille et les glaçons des whiskies. D’autant que le fret aérien nocturne prévu devrait les contraindre à troquer leur casque antibruit de jour pour des boules Quiès de nuit. La zone de gêne, où les conversations sont coupées par chaque passage d’avion, où la consommation accrues d’antidépresseurs fait l’affaire des pharmaciens, couvre une aire qui va de Sucé à Malville, avec Notre-Dame-des-Landes, Vigneux, Grandchamps-des-Fontaines au milieu. Va falloir installer des boules rouges et blanches sur les fils à linge, et des manches à air dans les cours d’écoles.

Le fond de l’air effraie

Ces découvertes risquent d’ébrécher l’unanimisme professé par les élus, conseil général et chambres de commerce en tête, qui considèrent comme acquis ce qui n’est pas encore soumis au débat public. La pensée unique sur la légitimité évidente de NDL ressemble à la certitude des technocrates de la Datar des années 70, quand l’avenir des villes ne se dessinait qu’en pénétrantes et voies rapides urbaines. Dans ce tapage des promoteurs, les riverains du futur aéroport qui se voient sacrifiés sur l’autel de “la spirale positive du développement” ont du mal à se faire entendre. Mais la démocratie est intacte, puisque les opposants peuvent s’exprimer par internet et les courriers de lecteurs de quotidiens locaux, note cyniquement Plein Ouest, la voix de la CCI.

Si Château-Bougon est à 8 km des deux tours de la cathédrale de Nantes, NDL n’en serait qu’à 17 km, alors que les grands aéroports modernes, Milan, Oslo, Stockholm sont basés à une cinquantaine de km des centres urbains. “Les grandes plateformes modernes sont effectivement construites loin des villes, comme l’avait été Roissy qui a été rattrapé par l’urbanisation”, dit Michel Le Nir, pilote de ligne, commandant de bord Air France et riverain du futur NDL.


Même si les accidents aéronautiques sont statistiquement rares, à Nantes ou ailleurs, le survol des villes par des avions n’a pas la côte et justifierait à lui seul d’éloigner tours de contrôle et tarmacs. Mais après le traumatisme des attentats de New York, les prévisions de trafic avancées pour justifier un nouvel aéroport risquent de fléchir. Phénomènes déjà constatés après la guerre du Golfe, et quand le TGV a accru son nombre de liaisons journalières. La saturation du trafic à Château-Bougon pourrait être remise à plus tard. Jusqu’ici, tout l’argumentaire de promoteurs émane d’une étude menée il y a dix ans, commandée à DG conseil par la chambre de commerce, actuel et futur exploitant commercial de l’aéroport. Un rapport par essence suspect de conclure en suivant les hypothèses et souhaits du client.

Sans nier les nuisances actuelles de Château-Bougon vis à vis de l’agglo nantaise, les opposants à NDL mettent en cause le principe d’opportunité du projet : “Il faut qu’un organisme neutre, scientifiquement reconnu, indépendant des décideurs, réalise une étude sur le besoin d’aéroport grand Ouest, en tenant compte, notamment, du développement du TGV” disent ces résistants à Vacarme-Airlines et à Air-Tintamarre.


Un rurbain de foule

Réunis au sein de l’Acipa* qui est passée de neuf membres fondateurs à 1 040 adhérents en dix mois, ces opposants n’ont aucune envie de se faire décoiffer par les sillages des aéroplanes : ils soulignent que le site a été prévu il y a trente ans dans une zone de 22 000 habitants, qui en recense trois fois plus aujourd’hui. La campagne s’est fait largement rattraper par les rurbains et la population qui devrait subir vrombissements, retombées de vapeurs de kérosène et de dégivrant de pare-brise d’avion. L’orientation des deux pistes, longues de 3,6 km chacune, dessine déjà des survols qui alarment les pékins d’en dessous.


Les hypothèses d’axes des pistes balafrent la carte et les communes survolées suivant que l’on se pose ou décolle face à l’Atlantique ou le nez vers l’Oural. Mine d’aérien, le doux gazouillis des avions est toujours plus fort au décollage qu’a l’atterrissage. À la dernière réunion publique de l’Acipa, un médecin, Anne Castagné, inventorie les effets et méfaits des aéroports sur la santé : troubles psychologiques, manque de sommeil, acquisitions scolaires des enfants perturbées, taux plus important de dépressions et suicides, asthme et bronchites chroniques aggravés. Tous aux abris. En Picardie, lors d’un débat public, un ponte de l’Aviation civile reconnait que l’implantation d’un aéroport est un “truc monstrueux qui percute les vies humaines”.**


Survol avec effraction

Les altitudes de perturbation sonore intense démarrent sous 1 000 m.


Quant à ce projet d’aéroport grand ouest, s’il va être soumis à une procédure de débat public au deuxième semestre 2002, il n’est mis en balance qu’entre lui et lui, sur un seul site, alors que le troisième aéroport parisien est débattu entre huit localisations possibles. La CCI piaffe, et “ne voit pas d’un très bon œil l’éventualité de toutes sortes de navettes entre les collectivités et de procédures consultatives qui risquent de freiner les échéances*** ». Le premier bluff de ces gens pressés, c’est de faire croire que le principe est acquis : “Feu vert, aval du premier ministre” a titré unanimement la presse en octobre 2000, “acté” a même ajouté l’été dernier Jean-Claude Gayssot. À croire que le débat public est de pure forme, simple chambre d’enregistrement de l’implantation.

En résumé, le positionnement du futur aéroport NDL est parfait, sauf l’emplacement, qui lui, est très mal placé, selon les gens sur place. Il convient donc de trouver une alternative, un site peu fréquenté. Facile, il y a tout près, un site rêvé, juste entre La Baule et Hoëdic. Ciel dégagé, accès ouvert de tous côtés. Il suffit de dérouter quelques cargos et d’indemniser une poignée de chalutiers. Et d’appeler le nouvel aéroport Nantes-Atlantique. Une belle économie de cartes de visite.

Jean-Loup Ping

* Association citoyenne intercommunale des populations concernées par l’aéroport de N‑D des Landes.
** Libération,
4 octobre 2001.
*** Plein Ouest,
avril 2001.

Vol au dessus d’un nid de coûts

Le devis estimé du futur aéroport (2,6 milliards de francs) a été fixé en 1992 par une étude de faisabilité du cabinet DG conseil commanditée par l’exploitant de l’aéroport, la Chambre de commerce. L’Aviation civile considérait alors que ce coût était sous-estimé. De plus, des débats collatéraux doivent ajouter les coûts de la liaison TGV avec Rennes, qui ne peut se faire sur une ligne existante, du nouveau pont sur la Loire vers Le Pellerin et de la voie express délestant le périph nantais saturé. Sans oublier la liaison par train entre Nantes et NDL en réactivant et prolongeant une ligne existante. Le flou est total sur la note finale de ces équipements annexes. Les chiffres avancés par les promoteurs d’aussi gros projets sont souvent explosés. Exemple : Eurotunnel, annoncé à 27 milliards à l’origine, en a finalement coûté plus de cent. Justement, pour limiter le bruit des zingues, pourquoi ne pas construire les pistes en tunnels ?

Papa, j’ai raté l’avion

Les élus locaux des communes limitrophes ont déjà commencé à se faire écharper par leurs électeurs, et se lamentent de n’avoir qu’une voix consultative dans les structures d’élaboration du futur aéroport. Ils sont pourtant condamnés à voir les décisions et les avions leur passer carrément au dessus. Le conseiller général Hervé Bocher veut malgré tout créer une nouvelle commission consultative locale, pour donner on ne sait quel écho aux voix pour du beurre des petits élus du cru. Par ailleurs, la CCI voit d’un sale œil sa mise à l’écart du syndicat mixte chargé de piloter les études, où siègeront régions Bretagne et Pays de la Loire, départements bretons et ligériens, Loire-Inférieure en tête, villes de Nantes, St-Nazaire et Rennes, mais pas la CCI. La région est soupçonnée de vouloir s’attribuer la paternité de l’aéroport futur. Y’a de l’air dans le gaz. A se demander si les fraudeurs de toutes les lignes sont aussi couverts par leurs dirigeants.